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Séglien, Silfiac, Ste Brigitte, St Aignan, sont rattachés à Cléguérec pour former cette unité pastorale de Cléguérec. On y trouve le calendrier des fêtes religieuses, les annonces paroissiales, le tableau mensuel des messes et cérémonies dans les églises et chapelles, pardons, kermesses, les cartes blanches de Ste Brigitte etc.

Julie, ex-otage, témoigne...

« Julie, ex-otage d’un terroriste islamiste en mars 2018, dont  Arnaud Beltrame a pris sa place, au prix de sa vie, témoigne maintenant.

Les faits : Le 23 mars 2018, ce terroriste au matin, il abat un vigneron à la retraite, blesse très grièvement un jeune Portugais, un peu plus loin il tire sur 4 CRS faisant leur jogging. Il en tue 2, blesse très grièvement un 3ème. A 10h30 il entre dans le super U de Trèbes, tue à bout portant le chef boucher, puis un client. Julie salariée à l’accueil fait appeler les policiers, se cache dans une pièce du super U. Le terroriste fait de même. Elle parvient à parler pendant 40 minutes avec lui. Un groupe de policiers entrent dans le super U en compagnie du lieutenant colonel Beltrame. Ce dernier  propose au terroriste de prendre la place de la caissière. Il y laissera sa vie. Le terroriste sera abattu, et par la suite 7 personnes seront arrêtés. Procès en mars 2024.

Pourquoi Julie, avoir voulu écrire un livre, cinq ans après les faits ? Le procs arrive, et je ne voulais pas que des journalistes déforment mes propos comme ce fut le cas après l’attentat. Au moins ma version est écrite.

Vous appelez le terroriste « le gamin », n’est-ce pas trop gentil ? Pour moi c’est un pauvre type, paumé, sans repères, manipulé pour être djihadiste, entraîné à tuer. Il faut être cassé pour en arriver là, et notre société en fabrique de plus en plus des gens dénigrant tout autorité. C’est un meurtrier, un fou endoctriné, mais à la base un gamin. Quand on se parlait pendant 40 minutes, je sentais en lui du respect pour les femmes et les petites gens. Il avait visiblement pas l’intention de m’abattre, mais pas me protéger non plus. Il se servait de moi comme bouclier. Il débordait de haine vis-à-vis de la France, notamment de sa politique au Moyen-Orient.

Vous écrivez : « Beltrame m’a conduite à Dieu » Pour ce qui est de sa foi, certains disent qu’il aurait prononcé une prière à Marie à haute voix pendant sa conversation de 3h seul à seul avec le terroriste. Le mieux ce serait d’écouter la bande d’enregistrement, j’espère que le procès le permettra. Moi, je n’ai vu que son professionalisme. En sortant de sa cachette derrière les caisses pour prendre ma place, il ne s’est pas dit : »je vais mourir à la place de cette otage. » Pendant que le gamin me tenait, Arnaud ne me regardait pas dans les yeux, exprès, pour me protéger. Dans le protocole d’intervention d’un policier on ne prend pas la place d’un otage ; mais lui a pris ses responsabilités, analysé les risques, rattrapé une intervention policière qui avait mal démarré. Il avait une attitude dynamique, sans être agressive ni dominante. Et dire que certains l’ont accusé d’être suicidaire.

Estimez-vous avoir une dette envers lui ? Ma dette envers lui, après le témoignage de la vérité des faits, est de m’en sortir. J’essaie de me montrer digne de la vie qu’il a protégée. Quand j’ai eu peur de perdre pied, je me suis dit : » si je m’écroule, cela voudrait dire que son geste a été gâché. Je dois profiter de cette chance qui m’a été offerte ». J’essaie comme je peux, même si je n’y arrive pas très bien, de faire face à mes responsabilités de maman et de donner de l’amour autour de moi.

Qu’attendez-vous du procès ? Six ans, d’attente de ce procès alors que l’enquête est bouclée depuis longtemps. Le sort des7 accusés, qui sont la petite amie du terroriste, et ses copains, des petits délinquants, m’importe peu. Ce dont j’aurais besoin pour tourner un peu mieux la page, avec mon mari, ma fille, c’est de connaître l’enchaînement des faits de l’attentat. Cela n’empêchera pas la souffrance et le souvenir. Je vivrai toute ma vie avec et attentat ; mais je voudrais savoir pourquoi on n’a pas pu sauver Arnaud ? Je n’ai pas besoin de coupables ni de punitions, mais de vérité. Voir pendant le procès les bandes sons et vidéos de surveillance. Ce serait une thérapie nécessaire pour ma santé mentale, pour vérifier mes souvenirs.

Vous vous êtes approchée de Dieu en 2021, pourquoi ? Sur le coup de l’attentat, le fait qu’Arnaud soit catholique ça ne m’a pas marquée. J’ai reçu, assez vite après l’attentat, un courrier d’un prêtre moine de l’abbaye de Lagrasse, située à 20 minutes de chez moi. Il m’a écrit parce qu’il avait préparé Arnaud et Marielle à leur mariage religieux (mariage qui aurait dû être célébré très peu de temps après l’attentat, à Trédion :56). Mais moi, je viens d’une famille athée et je suis scientifique. J’ai suivi des études de biologie pendant quatre ans après mon bac. La science répondait à mes questions, notamment sur l’origine du monde, et ça me suffisait. J’avais un mépris banal pour la foi et les chrétiens. Dans les années qui ont suivi l’attentat, quand ma vie s’est écroulée, j’ai cherché des solutions pour m’en sortir psychologiquement. Je suis tombé, dans mes recherches, sur un livre traitant de la résilience Une phrase du livre disait que les gens qui pratiquaient une spiritualité se sortaient mieux des lourdes épreuves. J’ai voulu creuser.

Vous vous êtes donc d’abord tournée vers la foi par intérêt ? Exactement. J’ai vu des conférences, des vidéos sur internet, et eu la surprise de constater que des personnes très intelligentes, économistes, philosophes, physiciens.. étaient croyants. J’ai aussi croisé d’anciens amis dont la conversion m’a étonnée, qui m’ont dit : "vas-y, prie ! Ca marche. " Je n’avais jamais essayé. Enfin, la maîtresse de ma fille nous a donné, à ma fille et à moi, une Médaille miraculeuse de la Rue du Bac. J’ai étouffé un sanglot quand elle nous l’a offerte. Pour la non-croyante que j’étais, qui commençait à se poser des questions, cet objet a été un appel dans mon cœur. Plus tard , cette femme est devenue la marraine de mon baptême. ;; Et en ce milieu de l’année 2021, j’ai re-consulté le courrier du moine prêtre de l’abbaye (le Père Jean-Baptiste), et me suis décidée à le rencontrer. A l’époque où il m’avait écrit (trs peu après l’attentat) j’étais dans la colère, je me disputais tellement j’étais mal. Et là, ce vieux monastère, ne me faisait plus peur. Il s’y dégageait un calme un respect qui tranchait avec mon quotidien. Le Père Jean-Baptiste m’a parlé de la foi et des engagements d’Arnaud. Il m’a fait promettre de revenir bien vite. Et je suis revenue pour assister à la première messe de ma vie.

A quel moment vous êtes-vous convertie ? Il n’y a pas de moment précis, ni de conversion instantanée. A la messe pour la 1ère fois de ma vie j’ai simplement ouvert les bras. C’est la 1ère fois que je confiais mon destin à Dieu, dans le lâcher-prise et dans la confiance : »allez, prenez ma vie, au point où j’en suis. » La scientifique que je suis a été touchée par les vibrations des chants, cette énergie de Dieu, dont on me dira plus tard que c’est l’Esprit-Saint, mais moi je n’en savais rien. J’ai également senti la présence d’Arnaud qui venait souvent avec Marielle dans cette chapelle.

Diriez-vous qu’Arnaud Beltrame a une part dans votre conversion ? Je me dis qu’il a été sur ma route. Arnaud m’a conduite à Dieu. Grâce à ma fréquentation de cette abbaye, et aux témoignages de Marielle (sa fiancée ) j’en ai su davantage sur lui, sur sa propre conversion tardive, à 33 ans. J’ai pu refaire confiance à l’Eglise, découvrir l’histoire de Jésus, et prier. La fréquentation d’une communauté de chrétiens locaux a ensuite été décisive, elle a levé mes dernières barrières. André n’est pas arrivé par hasard dans ma vie, mais après que j’ai formulé ma première prière. J’ai peu à peu eu envie de demander le baptême et je me suis préparée en lui posant des questions. J’ai beaucoup appris au catéchisme, à la paroisse de mon village. J’ai d’abord reçu « l'appel décisif » (une célébration dans la démarche du baptême des adultes, présidée par l’évêque). Elle se tourne alors vers le coin prière et montre une photo d’elle en ce jour, les yeux clos, la main d’André sur son épaule, puis le baptême pendant le Veillée Pascale de 2023. Nous venions de nous marier à la mairie, en attendant le procès en nullité de son mariage. Aujourd’hui, je me risquerais même à dire qu’Arnaud a sauvé mon corps pour que le Christ puisse sauver mon âme. Je n’ai pas besoin de savoir tout sur lui, je sais surtout que c’est un être d’exception.

Diriez-vous que c’est un saint ? Pour moi, oui, même si je n’ai jamais pensé à la question. Oui, dans sa démarche de foi et ses actes. Quand j’ai pris contact, en 2019, avec sa rayonnante fiancée, qui vit toujours en union avec lui (de cœur, de foi), elle m’a dit que la foi l’accompagnait en permanence. Il portait toujours en chapelet sur lui. Il disait souvent « sois sereine ». Moi, je n’y arrive pas encore, mais je m’y essaie. Marielle dégage une aura de douceur, derrière le deuil profond qui l’habite. Je l’aie vue deux ou trois fois mais je pense souvent à elle, car sa souffrance est liée à ma vie.

Vous arrive-t-il de culpabiliser ? Oui, mais pas une culpabilité grossière qu’on peut imaginer. Je suis triste parfois de me dire que Marielle n’a pas eu le temps d’attendre un enfant. Moi, je suis mère, j’ai pu rester en vie pour mon enfant. Mais elle… Elle porte le sacrifice d’Arnaud tous les jours.

Au quotidien, qu’est-ce la foi a changé pour vous ? En peu de temps, j’ai fait beaucoup de chemin avec la foi. Elle m’a permis d’arrêter de voir le mal partout et de m’enfoncer dedans. J’avais une vision assez triste de la société, de ma place et du sens de la vie. Je suis encore traumatisée par cet attentat, mais croire a changé le sens de la mort, et donc de ma vie. Mon esprit scientifique n’aurait jamais pu m’apporter ce support d’amour et d’espoir que procure la foi. Désormais, j’ai aussi des armes pour me protéger du mal : la présence du Christ, l’amour, la foi, la prière. Mon quotidien serait insupportable sans la prière. L’amour et l’espérance qui en ressort sauvent mon âme. Les ordonnances de médicament ne peuvent tout résoudre. Je vis dans le passé (de l’attentat, surtout) le futur me terrifie parfois, il me faut du courage chaque matin.., mais je prie tous les jours.

Pour vous, la prière est-elle uniquement une source de protection ? Non, mais dans état, la demande de protection permet de dépasser mes difficultés. La prière m’a apporté également une nouvelle compétence : la gratitude. J’éprouve de la gratitude à être en vie, de vivre tel moment en famille, d’être à table tous les trois, de caresser la joue de ma fille quand elle dort. Quand j’étais dépourvue de foi, je n’avais pas ce même cœur, je me contentais de profiter de la vie.

Un pardon est-il possible de votre part ? Il y a des êtres exceptionnels, comme Marielle, qui peuvent pardonner. Elle va loin. Elle dit même qu’il ne sera pas facile pour elle de retrouver Arnaud après sa mort (à elle), parce qu’il aura probablement fait entendre raison au terroriste, qui se sera converti, et sera peut-être au Ciel à côté de lui. Il est vrai qu’à l’exemple du Christ ce serait logique et cohérent.

Votre avocat, dans la préface, dit que « ce livre est un chemin ». Vers quoi ? Vers l’acceptation. Cette situation est lourde à porter car elle me donne une identité publique que je suis incapable d’endosser. Je ne suis pas outillée pour être sous les feux des projecteurs. Je ne sais pas comment je gérerai les séquelles, mais j’espère que la vérité adviendra. Le pardon viendra après.

(Tiré d’un article de Famille Chrétienne, de janvier 2023)

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